Février 85... Un salon mortuaire à l'espace Grammont... Quelques personnes faisant acte de présence... Un type au fond, ne détachant point son regard du cercueil où tu reposes... Un film, une musique, retraçant une vie, la Tienne... " Ne vous faites pas de souci, là où je suis, je suis bien", ce furent les derniers mots enregistrés sur cette vidéo non pas comme un adieu, mais un simple au-revoir empreint d'amour et de détachement... Rideaux qui s'ouvrent, et Toi qui avances... Seule, enfermée à tout jamais, tu t'en vas sur un tapis roulant.
Et si ce type en pleurs avait fait partie de ton histoire? Vois-tu, il a posé ses maux et pour Toi, s'est mis à rédiger ce texte, sans fioriture, sans gloire. Mais dis-moi ODILE... Le connaissais-tu, ce gars?
Mon Amant,
Fini, l’espace béni des douceurs et faveurs. En ce jour où ta maîtresse prend la peine une fois de plus - mais, ne comptons pas !- de te saluer sinon physiquement, en cet instant… En ces dires, tout en restant polie, elle ouvre sa bouche.
Je t’imagine déjà transpirant à chaque mot de cette lettre, lisant. Sous ta moustache pourtant si craquante en certains gestes, affectueuse, fragile, croustillante, jamais ô que non piquante, tes lèvres parlent, croassent, saturent… Qui sait, me maudissent ! Tes propos froissent mes tympans, déjà je les entends :
- Camille ! Mais quelle mouche te pique pour m’aimer autant et ainsi me haïr ?
Remontons le temps… Le veux-tu bien, mon galant ? Te souviens-tu de notre première rencontre ? Non, je pense. Elle ne fut pas olfactive, ni physique, visuelle tout simplement. Ta silhouette longiligne, je l’ai croisée en cette après-midi chaude et orageuse. Tu te baladais une main serrée à la taille de ta chère, de l’autre tu serrais ton enfant. Tilt en nos regards, je n’ai osé regarder de près ton visage, fixer tes yeux, la peur de me faire jeter, impromptue que j’étais, en vos gestes tendres. Tes fesses en gouttes d’huile bien qu’attirantes, ne furent point non plus, l’objet de mes premiers tourments. Mais tes mains, tes longs doigts souples aux phalanges impressionnantes à tout jamais, en moi étaient gravés. Je les percevais comme celles d’un artiste, pianiste ou musicien, peintre face à sa toile, écrivain apposant sur papier immaculé relents de vie, espoirs, tourments, au gré de son inspiration.
Tu fus en ce jour, platoniquement j’entends, l’ombre de ma chair à mes côtés déjà présente. Ne tenant plus, je me souviens avoir grimpé quatre à quatre les marches menant à ma modeste chambre d’étudiante, m’être affalée sur mon lit, puis prise en un doux rêve humide comme l’était l’antre de ma féminité, m’être soulagée… Pressions, rotations de mon index… Bourgeon dressé qui s’engorge de plaisir et finalement éclos, suspendu à mes râles de plaisir, oubliant solitude et temps.
Tu étais déjà que tu le veuilles ou pas, l’homme omniprésent en mes pensées, celui que j’eusse aimé contempler, déshabillé, torse velu, sexe érigé. Telle une « Chiquita » petite guenon sauvage, je m’imaginais dorlotée, enserrée entre tes bras d’acier, protégée, puis tendrement, sauvagement pénétrée… Mon amant, tu étais !
- Dis-moi, mon soupirant! Les souvenirs ressurgissent… Ne fais pas ton Auguste, ne sois pas indifférent, réfractaire à cette lettre. De mes mains, j’ai sculpté ton corps, ne l’oublie pas !
Mais, revenons… De toi, je ne savais rien. Qui étais-tu ? Seules traces visibles, celles de deux présences physiques à tes côtés et ce feu brûlant qui attisait mon sexe en permanence. Prendre une résolution, voilà ce à quoi je me devais : laisser tomber, t’oublier (à ce, ne pouvais me résoudre) ou telle Diane, partir en chasse, à tes trousses, virginité oubliée… L’équitation laissant des traces, à trop vouloir galoper ! Quoi que…
J’étais donc devenue chasseresse. Forêts, marécages… Que non ! La place de « l’œuf », où si souvent tu passais accompagné, mais à certaines heures dites « de bureau », seul. De ma chambre, cachée derrière les rideaux de ma fenêtre qui donne sur cet endroit, j’observais tes allées et venues, notais tes créneaux horaires… Je me devais de t’aborder, mais ne point te blesser. Aucune flèche à mon arc, sinon celles de l’envie, du désir ! Ne tenant plus, armée d’un crayon, sur un bout de papier froissé j’avais noté mon nom, adresse, quelques numéros d’appel, le tout bien engrangé dans le bonnet droit de mon soutien gorge. Ne me restait que la tâche la plus ardue, l’accomplissement d’un rêve, celle de croiser ton attention, déposer de main vive ou de manière plus discrète, sauvageonne, ces quelques annotations en une poche de ton veston ou pantalon. Mais le pantalon, nous y reviendrons…
Drague du style « auriez-vous du feu, Monsieur » clope au bec, tenait du facile, déjà vu tant usité. M’approcher, d’un geste brutal poser ma main sur la braguette de ton futal, me semblait casse-gueule assuré… Alors oui, jouer de mes atouts, ma féminité ! Me faire belle, superbe toilette ou outrageante à souhait, pour attirer ton regard, telle fut ma décision.
8h45 ce matin-là… Ton heure ! Non, la notre. Une demi-heure que j’attendais cet instant, celui de croiser enfin tes yeux, de m’attarder à nouveau sur tes mains, de poser mes lèvres sur les tiennes… Jupette colorée courte, laissant pointer le galbe de mes cuisses… En dessous petit slip en dentelles noir transparent… Escarpins sur lesquels je tenais droite, mais à peine !
Aux armes… Te voilà ! Whaou, quelle présence… Je mouille. Est-ce le vent qui commençait à souffler ou le fait que tu sois devant moi présent ? Fragile, toute excitée en dedans, je me suis affalée les deux pieds en avant, à ton plus grand contentement. Tu lorgnais sur mon entrecuisse devenu à ton regard, apparent. Premiers rires, premières paroles aussi jouissives que désinvoltes…
- Les aurais-tu oubliées ? Sincèrement !
Te rafraîchir la mémoire… Lis ce qui suit, mon A…. Zut alors, qu’est-ce qui me démange : le feu au cul, d’autres sentiments… Ce terme de cinq lettres possède tant de connotations différentes !
- Parfaite Madame, vous êtes tout simplement belle à ravir, autant que vos textiles. Désolé pour ce clin d’œil indiscret, non point voulu, mais j’avoue ne point avoir de regret. Un aussi bel aperçu ne peut laisser un homme indifférent. Puis-je vous aider à vous redresser et vous inviter à boire un café ? Vous en profiterez pour laver, sinon soigner vos genoux… Mauvaise chute, vous êtes blessée.
Ce furent tes premiers mots, mais aussi tes premiers gestes… Par la main tu m’as prise, accompagnée au premier troquet. Presque désert, il était : deux ou trois consommateurs au comptoir, les chiottes au fond du couloir. Une commande, deux jus bien serrés vite servis, déposés sur une petite table. Et mes genoux égratignés qui ne demandaient qu’à être lavés !
- Souviens-toi, tu m’accompagnas en cet étroit passage à peine éclairé…
Une porte graffitée, lourde, épaisse, inscriptions obscènes. Dans le bois, une entaille explicite en forme de vit, une bouche. Nous étions bien en cet endroit laissé souvent peu propre et pourtant tout à côté, un lave-mains. Tu t’empressas à nettoyer mes quelques plaies apparentes. La douceur de tes paumes caressant ma peau, la tiédeur de ton souffle à hauteur de mon sexe, firent leur effet… Oublié, le petit billet à déposer… Une seule envie, te remercier.
- Monsieur, puis-je vous embrasser, vous remercier ?
Monsieur, c’était Toi mon Amant … A peine étais-tu relevé, mes lèvres se sont collées aux tiennes. Tournoyantes, entremêlées mais jamais chancelantes, le goût de ce premier baiser jamais oublié… Puis de manière fugace nos corps se retrouvèrent serrés l’un contre l’autre, derrière cette lourde porte… Mes doigts se mirent à glisser à l’orée de tes cuisses, doucement se posèrent sur ta braguette. Boursouflure, empreinte de vie, désir, envie !
Et la suite…
- Mais tu la connais, mon Tendre !
Laissons là, nos plaisirs, nos folies, notre entente… Oublions nos différents. Saches seulement le pourquoi de cette ire à ton égard. Femme je suis, ne l’oublie pas, non jamais ! Sexe et tête vont de paire chez une femme aimante et il te faudra choisir entre « petite mort » excitante et mort lancinante… Je le sais, tu m’as compris !
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